31 août 2012

Une rentrée normale


C’est la rentrée. Me voici de retour en Belgique, après un séjour en France. J’ai pu le constater, tout y est normal, des camps de gitans sont détruits, le nucléaire est célébré comme une filière d’avenir, et le pouvoir lorgne avec concupiscence vers le gaz de schiste. Pas plus d’emplois que de beurre en broche, des perspectives bouchées, des édiles qui s’accrochent à leurs fauteuils : tout est normal, on vous dit. Mais quand même, il faut le reconnaître, comme toujours, on mange bien au pays de Vatel et de Marc Veyrat.

Je suis donc revenue de France avec une valise de bouffe. Car, Outre-Quiévrain, se procurer de bons produits constitue le parcours du combattant. De plus les restaurants, généralement pas très bons, reviennent fort cher. Quant au « panier de la ménagère », ce pendant alimentaire du « moral des ménages », il coûte 20% de plus qu’en France. Et les supermarchés belges, alors là, une catastrophe : des rayonnages entiers de fruits durs comme du bois, de légumes qui tirent la tronche, de fromages rétrignolés dans des coques de plastique et de viandes douteuses. Les Belges, heureusement pour eux, n’ont pas conscience de vivre dans un purgatoire gastronomique – il est vrai qu’en Hollande, c’est pire.

Il n’y a pas que le ventre dans la vie. Je suis revenue chez moi avec un livre. L’oisiveté des vacances est propice aux belles découvertes littéraires. Cette année, je suis tombée sur l’excellent « Le temps où nous chantions », de Richard Powers, paru en poche : un livre inspiré et musical de plus de mille pages. Il raconte l’histoire de l’Amérique depuis les années 1950 jusqu’à nos jours à travers le mariage semé d’embûches d’un scientifique juif chassé d’Europe et d’une Afro-américaine. Dès la première page, on est saisit par un vertige de mots qui nous entraîne vers une quête impossible : celle du temps retrouvé et de la sonorité parfaite. C’est puissant et ça sonne juste. Finalement, au lieu de se taper la cloche, si on chantait ?